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Sororité entre entrepreneures: la clé du succès?

«Seule on va plus vite, ensemble on va plus loin». L’adage semble particulièrement se vérifier dans le monde de l’entrepreneuriat au féminin. D’où vient cette force? Et pourquoi l’entraide est-elle si essentielle? Conseils d’expertes et témoignages.

«En étant entrepreneure, on se retrouve à devoir jongler continuellement avec différentes casquettes, note Kathleen De Baets Druart, présidente des Mampreneurs. Et il est impossible d’être experte dans tous les domaines.»

Partager, s’entraider, avancer ensemble. Ce n’est pas forcément la première pensée qui nous traverse l’esprit lorsqu’on se lance à son compte, qu’on devient indépendante. «Au début, j’ai préféré faire les choses seule, à ma manière, avance Anne-Laure, conseillère en image. Naïvement, j’avais peur qu’on me pique mes idées, mon business plan, mes futurs clients. Et j’avais l’impression que la concurrence était féroce. Mais je suis très vite revenue sur mes a priori. Quelques mois plus tard, je prenais contact avec d’autres connaissances indépendantes pour leur demander des conseils, pour échanger avec elles.»

Beaucoup de besoins, peu de moyens

Le constat s’impose rapidement et toutes les entrepreneures interrogées arrivent à cette même conclusion: lorsque l’on démarre cette aventure particulière, on se sent très seule. Une multitude de questions, toutes plus variées les unes que les autres, nous assaillent. Et sans connaissances poussées dans de nombreux domaines (comptabilité, assurance, informatique, marketing…), il est difficile de s’en sortir sans aide extérieure. C’est ce qui a poussé Emilie Hawlena a fondé le réseau Genuine Women, en 2017. «Je suis fascinée par les gens passionnés, explique-t-elle. J’ai toujours eu la fibre entrepreneuriale, j’avais envie de devenir business coach, d’aider toutes celles qui osaient franchir le pas. Cependant, je n’ai pas trouvé d’organisme existant qui résonnait avec mes valeurs. Certains favorisaient l’innovation, d’autres la technologie. Mais vers qui pouvait se tourner la coiffeuse qui souhaitait ouvrir son salon, la créatrice d’événement ou l’artisane pour trouver du soutien?»

Le réseau compte actuellement 850 membres réparties dans neuf villes de Suisse romande. Rencontres, conférences, lunches et séances de brainstorming sont organisés chaque semaine pour permettre ainsi à chacune de créer de nouveaux liens. Sarah Faillétaz, graphiste à Yverdon, a rapidement franchi le pas. «Je suis indépendante à 100% depuis le mois de juin 2020, confie-t-elle. Et même si je suis entourée par des proches qui me soutiennent, il est parfois difficile pour eux de se mettre à ma place. Certains n’ont pas compris mon choix de quitter un poste salarié.»

Via le réseau, l’entraide intervient aussi au niveau psychologique. C’est important pour moi de pouvoir échanger avec des gens qui vivent les mêmes choses, qui traversent les mêmes étapes.

La crise sanitaire que nous vivons a encore accéléré ce besoin d’être connecté aux autres, de trouver des solutions ensemble. Kathleen De Baets Druart, présidente des Mampreneurs, réseau actif dans toute la Suisse romande, en a fait l’expérience. «Le Covid nous a poussées à multiplier le nombre de rencontres proposées en ligne, note-t-elle. On s’est toutes retrouvées dans une situation totalement inédite, à la maison à 100%, avec nos enfants à gérer, tout en faisant le maximum pour faire marcher notre business malgré tout.» Des Mam’Tandem, rencontres sur Zoom pour échanger sur une problématique particulière, se sont ainsi multipliés. Et le groupe Facebook est également venu en aide à celles qui se trouvaient face à une situation compliquée.

Chez les Genuine, Emilie Hawlena a vécu la même réalité. «J’entendais parfois des critiques me disant: La solidarité, c’est bien beau quand tout va bien, on verra lorsque les choses vont commencer à se gâter! La crise actuelle, c’est une mise à l’épreuve incroyable. Et la sororité entre les membres a été plus exacerbée que jamais. Plusieurs Genuine ont mis leurs compétences au profit d’autres, notamment dans la digitalisation. Il y a énormément d’entraide, d’échanges, de gratuité. Beaucoup se sont mobilisées, ont offert des conférences pour continuer à motiver les gens à la maison.» Un lien essentiel, alors que de nombreuses indépendantes se sont retrouvées face à des complications administratives inédites. «Beaucoup m’ont confié que cette année avait vraiment été décisive et que si elles n’avaient pas eu un tel soutien, elles n’auraient pas tenu», poursuit la business-coach.

La concurrence, ce problème qui n’en est pas un

Et qu’en est-il de la concurrence qui faisait si peur à Anne-Laure? Pour Kathleen De Baets Druart, «la bienveillance prime sur la concurrence. On se réjouit des succès des unes et des autres, on ne se sent pas menacées par ces derniers. Nous avons plusieurs membres qui créent des sites internet, par exemple. Mais chacune a sa spécificité, son public cible. On peut grandir ensemble, il y a assez de place pour tout le monde.» Zoé Jobin, photographe à Yverdon, n’a jamais ressenti de compétitivité au sein des Genuine, alors que le réseau compte pourtant de nombreuses photographes. «Au contraire, il y a beaucoup d’entraide», détaille-t-elle.

On n’hésite pas à faire appel à l’une ou à l’autre lorsqu’on reçoit un mandat et qu’on n’est pas disponible, notamment lors de la saison des mariages. Il y a assez de travail pour tout le monde. Et chacune a ses points forts, ses préférences, son univers. Chacune a sa place.
Zoé a créé de nombreux liens privilégiés avec plusieurs Genuine. «Dans ce réseau, l’idée n’est pas du tout d’arriver avec sa carte de visite et de se vendre. Cela me mettrait très mal à l’aise. Mais on noue des liens, on échange. C’est plus intéressant, pour moi, que de dénicher à tout prix de nouveaux clients. On discute par exemple de la difficulté de fixer des prix ou du syndrome de l’imposteur. C’est enrichissant de s’entraider, d’avancer ensemble.» Et comme le souligne la jeune photographe vaudoise, cela permet également de prendre du recul sur son projet, de trouver de l’inspiration lorsqu’on se trouve face à un problème difficile à résoudre. «C’est génial de pouvoir faire appel à d’autres personnes qui ont déjà vécu cette situation ou peuvent apporter un nouveau regard sur ce qu’on traverse. Seule, c’est un exercice impossible à réaliser.»

La force de l’entraide au féminin

Une étude réalisée par l’Université de Californie en 2019 a démontré que les femmes performantes avaient un point commun: elles pouvaient s’appuyer sur un cercle fermé d’autres femmes qui les soutenaient. Celles qui s’entourent ainsi d’alliées accéderaient à des niveaux de responsabilités 2,5 fois supérieurs par rapport à celles qui disposent d’un cercle dominé par des hommes. Pour Emilie Hawlena, le mode de fonctionnement entre un homme et une femme entrepreneurs diffère: alors que les premiers sont souvent plus pragmatiques et envisagent la vente de l’entreprise avant même d’avoir démarré le projet, les secondes accordent une place de choix à la dimension émotionnelle de leur démarche. «Je ne connais pas une entrepreneure qui ne parle pas de son projet comme étant son bébé, résume l’experte. Les hommes vont foncer tête baissée et vont appeler à l’aide lorsque les choses se corsent. Ils voient souvent immédiatement très grand, ils pensent chaîne de production, financement, levée de fonds, grosses machines… Les femmes, très en amont, vont avoir besoin d’échanger.»

Il y a un côté collaboratif et collectif très fort. La solidarité féminine est loin d’être un mythe! Il n’y a pas de mieux ou de moins bien, c’est vraiment une méthodologie différente.

D’où l’importance de s’entourer de femmes de confiance qui traversent les mêmes choses et peuvent rassurer les nouvelles venues. «Les hommes ont d’office un réseau plus large, relève Kathleen De Baets Druart. Ils s’appuient sur des relations créées à l’armée ou via leur club de sport par exemple. En général, leur réseau professionnel est plus facile à atteindre et à actionner. En tant que femmes, on démarre l’aventure en construisant ce dernier. Et au début, cela peut être effrayant. Faire partie d’une association, d’un groupe aide à franchir le pas.»

Avis à toutes celles qui rêvent de concrétiser de nouveaux rêves professionnels en 2021: unissez vos forces. «Seule, isolée, je n’aurais jamais continué, témoigne Anne-Laure. S’entraider, c’est ce qui nous fait avancer.» Et comme le souligne Jennifer DaSilva, présidente de la société Berlin Cameron, sur le site Refinery29, la sororité permet de faire évoluer toute la société: «Nous devons toutes faire le nécessaire pour continuer à développer nos réseaux, nous soutenir mutuellement et nous élever mutuellement. L’unité nous rend toutes meilleures et plus fortes, et ce n’est qu’ensemble que nous avancerons dans la lutte pour l’égalité des sexes.»

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