Reconnaître sa valeur – acte I
Reconnaître sa valeur. Un thème qui n’en finit jamais d’être visité et travaillé, surtout dans une communauté de femmes.
D’où nous vient cette difficulté? Pourquoi est-ce important de la dépasser? Et surtout, qu’est-ce qui peut nous y aider? Chacune de ces dimensions est multi-factorielle. Sans prétendre apporter une réponse exhaustive, offrons-nous un petit tour d’horizon en deux actes pour élargir notre réflexion et explorer la reconnaissance de notre valeur.
L’influence de l’environnement
La valeur se construit à travers un double regard: celui des autres et le sien. La société, l’époque, la culture dans lesquelles on évolue dictent une partie de ce qui a de la valeur. Hofstede a mené une étude intéressante qui distribue les pays sur un continuum masculin-féminin. Dans les pays dits masculins, l’atteinte des résultats, l’héroïsme, l’assertivité, la compétition et la réussite matérielle sont valorisés. La réussite y est définie comme être le gagnant ou le meilleur. Dans les pays dits féminins, la coopération, la modestie, le soutien aux défavorisés, le consensus et la qualité de vie sont valorisés. La réussite y est définie comme faire ce qui nous plaît. Sans grande surprise, le Japon (95) et la Suède(5) se tiennent aux extrémités opposées du continuum. Je vous laisse deviner dans quel sens… La Suisse est une société masculine avec un score de 70.
En tant que maman entrepreneur, nous sommes nombreuses à avoir fait le choix du consensus et de la qualité de vie tout en optant pour faire ce qui nous plaît. La majorité d’entre nous a une micro-entreprise avec une réussite financière moins prestigieuse que ce qu’on aurait pu imaginer dans le monde corporate. Bref, on ne colle pas vraiment à ce qui est valorisé dans notre société…
La vision “mère au foyer avec un hobby” qui nous est parfois (trop souvent) renvoyée prend certainement racine dans cette définition collective et partiellement inconsciente de “réussir, c’est gagner beaucoup d’argent”.
Michelle Obama, dans son livre Devenir, exprime également l’influence d’être une femme dans un monde d’hommes.
J’essayais de ne pas me laisser intimider quand, en cours, les garçons mobilisaient la parole, ce qui était fréquent. Il suffisait de les écouter pour constater qu’ils n’étaient absolument pas plus intelligents que les autres. Ils avaient simplement plus d’assurance et chevauchaient une vague très ancienne de supériorité (…)
Les résultats négligés
Reconnaître sa valeur se construit aussi sur les résultats obtenus. Et là se cache un autre écueil: quels sont les résultats qu’on retient et comptabilise dans ce qui fait notre valeur? Généralement, on se contente de ceux qu’on voit et peut quantifier, en oubliant les battements d’aile de papillon. Qui a déjà lu un livre, un article ou une citation qui lui a facilité une énorme prise de conscience et un saut quantique? Si on ajoute les vidéos, TED talks, formations en ligne et autres contenus en libre accès, on peut aisément considérer que chacun a déjà eu cette expérience de lumière qui s’allume. Suite à ces prises de conscience, ces coups de pouce qui aident à résoudre une problématique ou passer un cap, combien d’entre nous remercie explicitement l’auteur, orateur ou formateur? Combien lui signifie la valeur que leur message nous a apporté?
Nous sommes toutes des émettrices de messages qui aident d’autres, souvent totalement à notre insu. Tous ces résultats concrets restent invisibles pour la plupart. Du coup, nous oublions de les considérer quand on fait l’inventaire de notre valeur.
Le piège de la facilité
Un troisième point qui nous rend la reconnaissance de notre valeur difficile est la facilité. C’est l’effet de la progression dans les étapes d’acquisition des compétences. D’abord, il y a l’incompétence inconsciente: on se sait pas qu’on ne sait pas. Puis, on s’en rend compte et devient conscient de notre incompétence. Commence alors à proprement parler l’apprentissage pour évoluer vers une compétence consciente: c’est la phase où on fait avec un certain effort. Puis vient la compétence inconsciente: c’est devenu tellement facile, naturel, automatique qu’on ne se rend plus compte qu’on a cette compétence, ni que ce n’est pas le cas de tout le monde. Vient en dernier lieu la maîtrise, stade auquel en plus de la compétence (savoir et expérience), on a développé la conscience du processus pour pouvoir l’expliquer et le transmettre.
Dans de nombreuses situations qui nous occupent dans notre quotidien professionnel et familial, on est inconsciemment compétentes. On a développé un savoir-faire et un savoir-être qu’on applique avec une facilité qui semble nier leur valeur intrinsèque. Et contrairement à ce qu’on croit, nos enfants ne sont pas les seuls à voir le monde depuis leur nombril: on le fait toutes et tous, constamment! C’est tellement facile pour moi, ça l’est forcément aussi pour les autres, non? Du coup, ça n’a pas de valeur particulière, non?
On voit déjà que certains de ces facteurs sont (relativement) hors de notre contrôle, alors que d’autres offrent une piste pour modifier notre attitude. Dans l’acte II, on explorera comment développer la reconnaissance de notre valeur.